Pour plusieurs, depuis les attentats du 11 septembre, le Canada se démarque des États-Unis par une meilleure défense des droits des individus et de leur vie privée. L'adoption du
Le gouvernement conservateur cherche en effet depuis longtemps à rejoindre l'oncle Sam à cet égard. En fait, la seule raison pour laquelle nous en avons été jusqu'ici exemptés, découle de l'instabilité des différents gouvernements minoritaires à Ottawa, des projets de lois en ce sens (même un émanant du dernier gouvernement libéral) étant morts au feuilleton lors du déclenchement d'élections, comme ce fut le cas au printemps dernier avec les projets de loi C-50, C-51 et C-52. Mais cette barrière est maintenant tombée, et ce n'est donc que partie remise. De quoi s'agit-il au juste ?
On n'entre pas sans frapper !
Imaginez que vous êtes un policier chargé d'une enquête, et que vous souhaitez examiner les allées et venues d'une personne. Qu'elle soit soupçonnée de quelque crime ou pas, vous estimez, personnellement, que scruter son courrier, regarder dans le fond de ses tiroirs ou examiner le contenu de ses classeurs pourrait faire progresser vos investigations. Ou peut-être pas... Vous n'avez rien à perdre, n'est-ce pas ? Vous ne pourrez malheureusement pas le faire sans vous justifier devant un juge. Le nécessaire équilibre entre le droit de la société de se protéger contre le crime et le droit à la vie privée des citoyens impose en effet cette précaution préalable. La société cherche ainsi à éviter tout abus policier contre ses citoyens. Après tout, nous avons renversé le mur de Berlin pour ça, non ?
Qu'en est-il sur Internet ? Pour le moment, c'est la même chose, et c'est malheureusement ce que l'adoption de règles sur l'accès légal vise à changer. En vertu de ces dispositions, tout policier souhaitant obtenir des informations sur ce qu'un individu fait avec tout outil technologique pourra s'adresser directement aux fournisseurs de service qui auront l'obligation de la lui communiquer, sans besoin d'un mandat, et sans que le principal intéressé n'en soit avisé. En bref, tout ce qui se passe, transite ou est conservé sous format numérique devient accessible aux forces de l'ordre sans aucune espèce de contrôle judiciaire : adresse postale, numéros de téléphone, adresse électronique, adresses IP, numéros d'identification des appareils électroniques ou téléphones mobiles, positionnement GPS stocké sur les téléphones intelligents, ne sont que des exemples de ce qui lui serait accessible en claquant des doigts. Parlez-moi d'un État policier ! Aussi bien mettre en vigueur en permanence la loi sur les mesures de guerre !
En considérant l'importance grandissante, tant en quantité qu'en qualité, des données hébergées en ligne, l'invasion est sans précédent. Pensez à vos dossiers stockés à distance, aux courriels échangés avec vos clients... Je vous fais peur? Vous avez raison...
Je ne te comprends pas, tu es donc mon ennemi ?
Or, est-ce que notre usage des technologies justifie que les règles soient à ce point différentes et abusives ? Y a-t-il péril en la demeure, menace d'insurrection, atteinte à nos institutions ? Absolument pas, à moins que notre ignorance des technologies soit telle qu'elle nous fasse diaboliser toute activité émanant d'un ordinateur. Quant aux armes à feu, pas de problème, nous n'avons même plus à les enregistrer ! Elles sont, semble-t-il pour certains, bien moins dangereuses qu'un clavier. Au Moyen-âge, l'Inquisition brûlait bien les presses d'imprimerie comme des engins diaboliques, non ? Le degré de réflexion est semblable... En ce sens, c'est plutôt l'adoption de telles mesures qui constituerait une atteinte à nos institutions.
Les protestations fusent, et avec raison. Au printemps, tous les commissaires à la vie privée du Canada ont adressé une lettre commune au gouvernement pour manifester leur désaccord face à ses projets de loi2. Le gouvernement, qui avait annoncé son intention d'inclure ces réformes dans son projet de loi polyvalent de l'automne sur la sécurité publique malgré qu'ils n'aient jamais fait l'objet de consultation publique ni de débat en Chambre, a finalement reculé. Mais le projet n'est pas définitivement enterré3, aussi importe-t-il de faire preuve de vigilance et de faire connaître notre opposition de façon véhémente. Il y va carrément de nos droits, de nos libertés et de notre mode de vie.
À la prochaine !1 http://fr.wikipedia.org/wiki/USA_PATRIOT_Act.
2 http://www.priv.gc.ca/media/nr-c/2011/let_110309_f.cfm.
3 « Projet de loi C-52 - L'intimité numérique des Canadiens pourrait être menacée », Le Devoir, 4 octobre 2011, http://www.ledevoir.com/politique/canada/332857/projet-de-loi-c-52-l-intimite-numerique-des-canadiens-pourrait-etre-menacee
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