Il y aura bientôt dix ans, je m'embarquais dans la galère informatique en m'inscrivant au programme de maîtrise en droit des technologies de l'information. À cette époque, l'imagination des acteurs de cette industrie ne connaissait aucune limite, et toutes les projections futuristes avaient cours. Les choses ont bien changé, et plusieurs mythes ont depuis été écartés, comme celui de la société sans papier. Nombreux étaient ceux, en effet, qui croyaient que l'avènement de l'informatique viendrait réduire drastiquement notre usage du papier comme support de nos documents. La Loi sur le cadre juridique des technologies de l'information est d'ailleurs fondée l'idée qu'un document soit toujours dissociable de son support. Or il nous faut constater qu'il n'y a jamais eu autant de papier dans nos études et sur nos bureaux que depuis que nos documents sont saisis électroniquement !
Cette impression bien personnelle se confirme dans les chiffres, les statistiques prévoyant une croissance de la demande et de la production de papier de 2,2 %, en moyenne, d'ici à 2015, comprenant une croissance de 3 % dans le domaine des papiers destinés à l'écriture et à l'impression. La planète atteindra alors un niveau de production annuel de papier de 450 millions de tonnes par année ! Les statistiques ne nous disent cependant pas quelle partie de cette augmentation est attribuable aux formulaires d'hypothèques de BMO ou de la CIBC !
Il faut cependant noter que la production de papier liée à la production des journaux devrait diminuer pendant cette période. Reste à savoir quelle part de cette diminution est attribuable à la publication en ligne des quotidiens, et quelle part à la concurrence des autres médias. L'éditeur du NY Times tirait d'ailleurs comme conclusion, contestée il faut le dire, la disparition de l'édition papier de son journal d'ici cinq ans. Les sceptiques ont beau être nombreux, il faut quand même admettre qu'une telle déclaration est très éloquente.
Mais revenons à nos moutons, car la situation dans nos bureaux est fort différente. Nous y constatons que le concept de l'étude notariale sans papier reste, encore aujourd'hui, un mythe. Nous avons certainement fait des progrès dans le domaine de l'échange électronique de documents, par exemple avec l'arrivée des différentes plates-formes comme Emergis ou Poly-Protec, ou la publication en ligne. Mais la nécessité d'imprimer les actes pour recevoir les signatures nous ramène toujours au point zéro. Il manque un sérieux maillon à la chaîne.
La facilité de reproduction de documents très volumineux qu'offre l'informatique décuple, souvent inutilement, la taille des documents. Rappelez-vous la glorieuse époque des dactylos et du papier carbone. Personne, à cette époque, n'aurait osé imaginer des actes de vente de dix ou quinze pages, et encore moins des actes hypothécaires en comptant plus de cinquante ! Pas de verbiage inutile en ce temps-là, car tout devait être dactylographié, mot par mot. Les textes devaient être succincts et si certains péchaient par trop de brièveté, nous constatons que nous avons aujourd'hui basculé dans l'autre excès : plus de retenue quand on peut générer des actes volumineux en pressant un bouton ! Sans compter la tendance anglo-saxonne observée chez les prêteurs hypothécaires de requérir la signature d'une multitude de documents sous seing privé parallèles (parfois totalement inutiles), au lieu de tout consigner dans un seul acte notarié. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Ceux d'entre nous qui reçoivent des dossiers FCT, HSBC, GE Capital ou autres savent exactement de quoi je parle...
Alors que faire ? La réduction du tsunami de papier qui déferle quotidiennement sur nos études passe par un changement d'habitudes de travail. Par exemple, prendre l'habitude de sauvegarder sur disque les actes consultés en ligne plutôt que de les imprimer. Le même principe s'applique aux différents relevés de taxes obtenus sur le Web, la plupart de ces relevés étant offerts en format pdf et pouvant donc facilement être sauvegardés. Pour les autres qui sont présentés comme simples pages Web, en format HTML, deux solutions s'offrent à nous. Tout d'abord, vous pouvez sauvegarder la page sur votre disque en choisissant « enregistrer sous » sous l'onglet « fichier » d'Internet Explorer. Votre page sera ainsi enregistrée, directement sur votre disque en format HTML. Les résultats, cependant, peuvent varier beaucoup d'un site à l'autre, et d'un usager à l'autre.
Une meilleure solution est de générer un fichier pdf à partir de la page consultée, ce qui aura l'avantage de figer la présentation du relevé à la date de sa consultation, et d'ajouter cette date au bas des pages. Pour ce faire, vous pouvez évidemment investir quelques centaines de dollars dans la version complète d'Adobe Acrobat. Mais depuis que le format pdf a été rendu public par son créateur, de nombreux programmes gratuits vous permettent d'arriver au même résultat. J'utilise par exemple depuis quelque temps un logiciel nommé Pdf Re-Direct dont la version gratuite donne d'excellents résultats, meilleurs même que ma vieille version d'Acrobat. Tout le monde peut donc maintenant générer des fichiers pdf sans frais, et limiter un peu sa consommation de classeurs...
Certaines économies de papier peuvent aussi être obtenues dans le rayon des télécopieurs. J'ai déjà abordé ici la question de la télécopie virtuelle, alors vous savez qu'il est possible de recevoir et d'envoyer des fax à partir de votre ordinateur, ou même à partir d'Internet. Vos télécopies peuvent ainsi se sauvegarder et se lire à partir de votre PC, sans rien imprimer.
Côté humain, vous devrez, les plus âgés en tout cas, vous habituer à consulter les documents seulement sur écran. Moi-même, je dois avouer éprouver quelques difficultés à me taper un examen des titres sans imprimer les actes à lire... Mais je fais des efforts ! Un truc est d'investir dans un bon écran, de grande taille et d'excellente résolution, qui rendra l'exercice plus agréable.
Côté technique maintenant, il est certain qu'éliminer ou réduire le nombre de documents conservés sur support papier augmente d'autant l'importance de l'implantation de politiques sécuritaires de conservation des fichiers électroniques et, surtout, de la génération de copies de sécurité. Plus vous conservez de documents électroniques, plus vous avez à perdre d'un crash informatique ! Soyez donc prêts au pire.
Ces petits gestes, mais ces grands changements d'habitudes, peuvent limiter un peu les dégâts. Donnez-vous un peu de temps car les mauvais plis sont durs à perdre, surtout quand les habitudes remontent à plusieurs générations. Mais, en bout de piste, vous serez gagnant ! À la prochaine !
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