Où étiez-vous le 11 septembre 2001? Je suis certain que vous avez revu l'endroit où vous étiez à ce moment précis, comme c'est généralement le cas pour les événements marquants de l'actualité. Je me souviens où j'étais ce jour-là, tout comme où j'étais au jour de la mort de John Lennon, de Gilles Villeneuve ou d'Elvis Presley... Le 11 septembre, j'étais à l'Université de Montréal où je dirigeais alors l'équipe éditoriale de Canlii, et je suivais les événements sur Internet avec les membres de mon équipe. En fait, j'essayais de les suivre, car les serveurs vidéos du Web n'ont pas pu répondre à la demande. Il a donc fallu se rabattre sur la bonne vieille radio...
Beaucoup de choses ont changé ce jour-là, lequel marque, pour moi, le véritable début de ce nouveau siècle. Le premier de ces changements qui nous vient évidemment à l'esprit est la sécurité dans les aéroports. Parmi toutes les mesures de contrôle visant à sécuriser les vols, ou simplement à rassurer la population si on en croit les sceptiques, l'inspection des ordinateurs portables occupe une place de choix. Ainsi, tout appareil électronique, incluant un ordinateur portatif, doit pouvoir être mis sous tension sur demande au point de contrôle de l'aéroport. On veut ainsi pouvoir vérifier qu'il ne s'agit pas d'un simple boîtier dissimulant armes ou explosifs.
Autres temps, autres moeurs
Dans l'atmosphère de panique qui a suivi les attentats, bien peu de critiques sur toutes ces mesures de sécurité ont été jugées acceptables. Rappelez-vous par exemple les plaintes formulées lors de l'adoption du Patriot Act par le Congrès américain, en 2001. La nécessité pour le public de se rassurer sur la lutte au terrorisme a permis l'adoption de mesures accordant des pouvoirs extraordinaires aux autorités américaines, et les critiques formulées à l'endroit de cette législation par plusieurs organismes voués à la défense des droits civils n'ont guère trouvé d'écho. Mais avec quelques années de recul, le public est plus ouvert aux questionnements sur le caractère parfois abusif des mesures de sécurité mises en place à la suite des attentats du 11 septembre.
Donc jusqu'à maintenant, nous savions qu'un ordinateur portatif devait être en état de fonctionnement pour qu'il soit permis à son propriétaire de ne pas s'en départir avant l'embarquement. Mais nous ignorions que les Américains vont maintenant plus loin, et se permettent de fouiller le contenu de l'ordinateur de toute personne entrant aux États-Unis. Dans certains cas, des ordinateurs ont même été confisqués pendant de longues périodes.
Cette nouvelle pratique cause bien des remous. Les entreprises dont les cadres supérieurs voyagent à l'étranger y voient une menace à la confidentialité de certaines informations internes, qu'il s'agisse de leurs politiques, de renseignements sur leurs innovations ou leurs brevets, ou de renseignements privilégiés sur des litiges ou des transactions commerciales. Personne ne peut en effet dire ce que les autorités font avec les fichiers trouvés lors de telles fouilles, ni même si des copies sont conservées. Certaines entreprises suggèrent même à leurs employés de chiffrer leurs données et de se les envoyer par courriel avant de rentrer au pays, pour éviter la perte, ou la perte d'accès à leurs documents électroniques.
Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse
Les autorités refusent d'ailleurs de dire ce qu'elles cherchent au juste. Des informations sur d'éventuels complots? Probablement. De la pornographie infantile? Aussi. On note d'ailleurs au moins une arrestation à ce chapitre à la suite d'une pareille inspection. Le point invoqué est qu'aucun soupçon particulier (probable cause) n'est requis pour autoriser les agents des douanes à « fouiller » votre portable, lequel est alors considéré, au regard de la loi, comme une simple valise : on peut l'ouvrir et l'inspecter. La plupart des jugements qui ont été rendus en la matière tendent à accepter ce principe.
Mais cette nouvelle politique, ignorée, semble-t-il, de la plupart des voyageurs, ne fait pas l'unanimité au sein de la communauté juridique américaine. Pour plusieurs juristes, un ordinateur est plus qu'une valise et doit plutôt être considéré comme une extension du cerveau de son propriétaire. Comme pour une fouille corporelle, les autorités devraient donc avoir un motif raisonnable pour procéder à l'inspection du contenu d'un ordinateur.
La présence de données chiffrées pose également problème, les autorités ayant tenté au moins une fois de forcer une personne entrant aux États-Unis par la route, de révéler un mot de passe protégeant certains fichiers. La question s'est évidemment retrouvée devant les tribunaux où les droits protégés par le 5e amendement, permettant à un individu de refuser de divulguer des informations pouvant l'incriminer, sont au coeur de la question. Car l'individu en question est soupçonné d'avoir détenu de la pornographie infantile chiffrée sur son ordinateur. Mais au moins, cette histoire vient invalider les légendes urbaines voulant que le FBI et d'autres autorités policières soient en mesure de déchiffrer à peu près n'importe quoi!
Certains penseront peut-être à contourner le problème en trimballant un portable vide ou à peu près. Il est en effet envisageable d'utiliser un appareil ne disposant que de logiciels, et de stocker ses données à distance sur un serveur. Des services permettant d'accéder à un espace disque à distance existent depuis longtemps, tout comme des logiciels permettant de travailler à distance à partir de l'ordinateur laissé au bureau ou à la maison. Mieux vaut prévenir que guérir! Mais le débat jurisprudentiel qui fait présentement rage au Sud à ce sujet soulève bien des questions intéressantes, on ne peut le nier. Je vous tiendrai au courant. Mais dans l'intervalle, pensez-y bien avant de mettre votre portable dans votre valise!
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