Un arpenteur se présente devant une maison qu’il doit localiser pour les fins d’une transaction immobilière, comme il l’a fait des centaines de fois. Mais cette fois-ci, s’il sait qu’il devra prendre les mesures du bâtiment principal, il est heureux de savoir qu’il n’aura pas à se préoccuper de prendre certaines autres mesures accessoires dont il aura besoin pour compléter son travail. Même si ils ne se connaissent pas, un collègue les lui a déjà fournies. Car avant de partir du bureau, notre ami s’est connecté à son portail de données géomatiques où il a pu prendre connaissance de l’existence des travaux d’arpentage déjà réalisés dans les environs qui l’intéressent, et s’est assuré de la collaboration de ses collègues concernés. Arpenteurs privés ou de services publics partagent en effet sur ce site le fruit de leur labeur, et réussissent même à s’y générer des revenus additionnels lorsque leurs données, qui auparavant dormaient dans leurs classeurs, sont ainsi réutilisés ou même consultées par des tiers. Pas de science-fiction ici : ce service sera bientôt une réalité, comme j’ai pu le constater au congrès annuel de l’Ordre des arpenteurs géomètres tenu à Trois-rivières en juin dernier.
Je vous ai souvent parlé des opportunités qui naissent de la révolution technologique. J’ai parfois l’impression de radoter à force de répéter souvent que le passage au numérique ne doit pas être perçu comme une menace mais plutôt comme une occasion à saisir pour ceux qui ont l’esprit suffisamment ouvert pour en profiter. Les arpenteurs québécois s’apprêtent à nous en fournir un exemple fort éloquent.
Ce projet de centralisation des données géomatiques ne se limite pas à l’usage présenté dans l’exemple donné en début de chronique, car son contenu sera ouvert au public : arpenteurs (bien sûr), mais aussi ingénieurs, architectes, institutions financières, municipalités, gouvernements et organismes publics, particuliers et, bien entendu, notaires. Il importe ici de noter que le Géorépertoire ne sera pas un Napster cadastral ni un buffet à volonté de données, certificats ou plans. Les données n’y seront pas disponibles, la base de données ne faisant que dévoiler l’existence d’un certificat de localisation ou autre document relatif à un lot. C’est déjà ça, n’est-ce pas? Il sera donc possible, une fois le projet lancé, de retracer des documents ou de monter un début de dossier cadastral sur une propriété, sans avoir à éplucher tous les actes de vente ou d’hypothèque antérieurs en espérant que leur existence y soit dévoilée.
L’arpenteur qui choisira de participer au projet, car l’adhésion est volontaire, devrait en retirer des avantages à plusieurs niveaux. Tout d’abord, dans son travail quotidien, il pourra éviter d’avoir à calculer pour la nième fois la position d’une borne déjà localisée par ses collègues, en réutilisant simplement les données qu’il aura retrouvées grâce au portail. Ensuite, il pourra tirer un revenu additionnel des données qu’il a lui même accumulées en les rendant disponibles à ses collègues. Finalement, en faisant connaître à tous les documents qu’il a produits, il prend la chance de s’attirer une nouvelle clientèle sans grands frais.
Il convient de souligner que les arpenteurs de pratique privée ne sont pas les seuls à être invités à alimenter cette base de données. L'ensemble des intervenants de la géomatique œuvrant sur le territoire québécois le sont, qu’ils oeuvrent aux sein de services d’arpentage gouvernementaux ou de ceux maintenus par des compagnies d’utilités publiques. La masse de données qui pourrait être rendue disponible de cette façon risque d’être assez renversante, si on considère qu’environ 60 millions de points auraient déjà été localisés par les arpenteurs du Québec[i].
L’aspect juridique de l’entreprise ne peut certes être mis de côté, notamment en ce qui concerne l’implication des arpenteurs de pratique privée. Il importe de noter que l’arpenteur conserve le plein contrôle sur ses données et sur les documents qu’il a produits, et qu’il devra respecter toutes les prescriptions applicables à leur usage et distribution. La sécurité de l’hébergement et de la transmission des données devra également être assurée dans la mise sur pied de ce projet, que ce soit au niveau technique ou au niveau juridique. Du côté juridique notons que le projet de loi 161 sur le cadre juridique des technologies de l’information devrait favoriser l’atteinte d’une solution sécuritaire à l’échange dématérialisé de ces données.
Le projet en est encore aux étapes préliminaires, prototype, mise sur pied de la structure juridique, recherche de financement, etc... Mais parions que nous en entendrons parler avant longtemps puisque les arpenteurs ont résolument décidé de prendre la mesure du Web. À quand les premières bornes virtuelles dans le cyberespace??
Votre écran est-il propre?
Préparez-vous à entendre un beau roman savon, car la « propreté » de votre écran d’ordinateur fait présentement l’objet d’une lutte de pouvoir dans le milieu informatique et peut-être même d’une nouvelle manche du procès Microsoft. Vous aurez tous compris que nous parlons du « bureau » (« desktop ») sous Windows.
Vous aurez remarqué, lors de vos premières utilisations de Windows 95 ou 98, que votre bureau présentait des icônes vous invitant à accéder à différents services comme AOL ou Compuserve. Vous aurez compris qu’il s’agissait d’un mode de publicité dont Microsoft avait très bien compris la puissance. Vous vous souviendrez aussi que dans le procès qui l’oppose à plusieurs états américains, Microsoft se fait reprocher d’avoir utilisé sa position dominante sur le marché des systèmes d’exploitation pour imposer ses autres produits, dont son navigateur Internet Explorer. L’interdiction imposée par la licence Microsoft aux fabricants d’ordinateurs de retirer l’icône Internet Explorer du bureau Windows de base lui alors d’ailleurs causé bien des ennuis.
Pour montrer sa bonne foi, Microsoft annonçait en juin dernier que la prochaine version de son système d’exploitation, Windows XP, serait entièrement libre d’icônes au démarrage. Il faut dire que Windows XP réinvente la configuration du bureau et du menu démarrer tels qu’ils existent dans les versions actuelles[ii]. Par le fait même, fini les icônes AOL , nouveau propriétaire de Netscape, sur le bureau Windows. Quel malheureux hasard...
Cette politique dite du « clean desktop » permettait cependant aux fabricants d’ordinateurs de placer sur le bureau de leurs systèmes les icônes de leurs propres commanditaires. Cette annonce a évidemment provoqué une féroce compétition publicitaire, au grand plaisir des fabricants de systèmes. [iii]
Microsoft réalise son erreur à la mi-août : elle venait de permettre la vente de systèmes neufs fonctionnant sous Windows XP qui ne présenteraient à l’écran que des icônes de ses compétiteurs! Les termes de sa licence furent donc modifiés rapido presto pour imposer la présence d’icônes de produits Microsoft si les fabricants choisissent de fournir des liens vers la compétition[iv]. Problème réglé? En partie seulement car parmi les icônes Microsoft obligatoires figure celui de son « Media Player »[v] qui permet notamment la lecture de fichiers de diffusion continue (« streaming ») audio ou vidéo sur le Web. Microsoft remets donc ça en utilisant son système d’exploitation pour devancer la concurrence (RealNetworks[vi], Quicktime[vii]) dans le domaine de la diffusion musicale sur le Web. Windows XP devant être lancé en octobre, vous comprenez maintenant pourquoi elle tente de retarder l’application du jugement du juge Jackson? Rien ne se perd, rien ne se créé...
Et voilà, une autre chronique terminée! Je vous invite à nouveau à me contacter si ça vous chante !
À la prochaine!
[i] D’après un estimé préliminaire fourni sur le site du congrès 2001 de l’Ordre des arpenteurs géomètres du Québec. www.donnees-xyz.com
[ii] Allez voir par vous-mêmes http://www.microsoft.com/windowsxp/home/guide/smarter.asp#welcome
[iii] voir Windows XP: Is there life after icons? http://www.zdnet.com/zdnn/stories/news/0,4586,2769612,00.html
[iv] Microsoft lists Windows XP-mandated icon http://www.zdnet.com/zdnn/stories/news/0,4586,5095447,00.html et Microsoft Modifies Icon Concession http://www.thestandard.com/article/0,1902,28599,00.html?nl=dnh
[v] http://windowsmedia.com/download/download.asp
[vi] http://www.real.com/
[vii] http://www.apple.com/quicktime/
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