Plus moyen de partir à l’aventure. Le village global a ses avantages, mais il enlève pas mal de piquant à notre existence. J’ai pu constater, en passant en Europe fin-janvier, combien la technologie peut rendre les voyages ennuyants. Il faut dire que je ne suis pas sorteux. Deux voyages en Europe en quinze ans, on ne peut pas dire que c’est de l’abus. Le changement m’a donc sauté aux yeux : finis les achats de chèques de voyage à la veille du départ, les taux avantageux du bureau de change de l’aéroport, le manque de fonds à la fin du périple, ou les regards moqueurs du serveur parisien devant une carte de crédit d’une banque québécoise. Aujourd’hui, vous n’avez plus qu’à glisser votre carte bancaire dans un guichet automatique de l’aéroport Charles DeGaulle pour débiter directement de votre compte québécois le nombre d’euros que vous voulez dépenser.
Finie l’aventure, finis les petits plaisirs de voyage comme laver la vaisselle pour payer son repas, coucher sous les ponts ou passer à l’ambassade emprunter cent dollars pour manger jusqu’au retour. Plus moyen de s’amuser quoi. À moins que vous ne vouliez vraiment essayer de payer avec votre carte Interac dans un restaurant ou un hôtel. Mais il y a quand même des limites à ne pas dépasser! Car nos cartes bancaires, malgré toutes leurs qualités, n’ont toujours pas de puces comme leurs cousines européennes ce qui empêche de les utiliser pour un paiement direct. Ça viendra peut-être un jour, avec la monnaie électronique. Nous n’en sommes probablement qu’à sept ou huit projets pilotes d’un dénouement. Soyons patients
La fin d’Internet
Et oui les amis, pour Internet c’est la fin des haricots... Les carottes sont cuites, la troisième période est finie, le rideau tombe... C’est du moins le souhait qu’émettait Mme Kim Polesi, présidente de la compagnie Marimba Inc[i] spécialisée dans la conception de logiciels de commerce électronique, lors d’une conférence qu’elle présentait à Rome[ii]. Ne cherchez cependant pas de masochisme dans ses propos. Elle prédit tout simplement qu’Internet se fondra à ce point dans nos habitudes qu’il disparaîtra dans la banalité du quotidien.
Selon elle, près de 500 millions de personnes auraient présentement accès à Internet. Le développement des connexions au Web par téléviseur (comme le service Illico[iii] par exemple) ou surtout par téléphone cellulaire pourraient faire quadrupler ce nombre d’ici peu, car beaucoup de tels appareils sont encore plus répandus que les ordinateurs et sont encore mieux compris. Et que dire des frigos et des micro-ondes?[iv] À quand le grille-pain en ligne ? Pour Mme Polesi, avec deux milliards d’usagers le réseau deviendrait un phénomène banal, aussi passionnant que l’électricité ou excitant que l’eau courante.
Bref, plus personne n’en parlera, car tout le monde y sera. Ce qui ne veut pas dire que les juristes doivent baisser la garde, car le droit continuera de s’appliquer. De plus en plus, il faudra avoir conscience de cette réalité et en tenir compte dans des aspects insoupçonnés de votre pratique.
J’espionne, tu espionnes, il espionne...
Cette situation est encore moins rassurante quand on réalise que dans le domaine des technologies, la mode est à l’espionnage. De nombreux bandeaux publicitaires vantent sur le Web les mérites de caméras vidéo miniaturisées indétectables, et nombre de pourriels offrent d’éplucher le Web pour constituer à un prix dérisoire le profil d’un individu. On dit aussi que la prochaine génération de téléphones cellulaires permettra de localiser les gens en tous temps. Pour un juriste qui s’intéresse à la protection de la vie privée, vous comprendrez qu’il y a de quoi s’inquiéter. Les craintes énoncées aux débuts du réseau par les ténors de la vie privée sont-elles en voie de se confirmer? La conservation de données sensibles doit être entourée de la plus grande prudence. Notons cependant que ces sujets sont abordés dans la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information[v].
Mais comment blâmer les individus de succomber à la tentation lorsque même les grands joueurs technologiques usent de leur pouvoir pour s’immiscer dans nos habitudes? Vous croyez que je vais encore vous parler de Microsoft? Et bien non! Je braque plutôt mes projecteurs vers Real Networks[vi], pionnier de la technologie de lecture en transit (« streaming »), et son nouveau lecteur audio/vidéo RealOne. Au moment où je passais à l’Internet par câble et que j’installais un logiciel coupe-feu[vii], j’ai pu constater que RealOne tentait régulièrement d’accéder au Web à mon insu. Mon coupe-feu lui bloquant l’accès sans mon consentement, j’ai ainsi pu découvrir le pot aux roses. Une consultation rapide des préférences par défaut du logiciel m’a permis de constater qu’il tentait notamment de relayer vers son serveur des informations sur la configuration de mon ordinateur, sur la qualité de ma connexion, et qu’il était pouvait recevoir des liens venant des fournisseurs de contenu faisant affaires avec Real. Mon logiciel était donc ouvert à tous venus. Par-dessus le marché, RealOne était devenue l’application par défaut auto-proclamée pour tous les fichiers multimédias. Même après que j’eu corrigé cette situation, RealOne a quelques minutes plus tard repris le contrôle des fichiers manu militari. J’ai eu la surprise de voir se changer toutes les icônes d’un répertoire d’images et de sons! Trop de gentillesse...
Il est vraiment désolant de voir les libertés que prennent les compagnies technologiques sur les systèmes de leurs clients. Il n’est jamais rassurant de savoir qu’un logiciel puisse imposer les volontés de ses créateurs sur les préférences des usagers. C’est à ce niveau que j’applaudit à l’initiative des États américains de s’en prendre à Microsoft. Pas tellement parce que je souhaite voir Bill Gates mordre la poussière. Je n’ai rien contre lui. Mais simplement pour l’exemple, le précédent, qu’une telle cause peut constituer dans le monde technologique. Aucune compagnie n’est au dessus des lois, et personne ne devrait pouvoir à ce point abuser de son pouvoir. La Cour imposait d’ailleurs en février à Microsoft de dévoiler le code source de Windows afin de prouver ses allégations voulant qu’il soit impossible d’en dissocier Internet Explorer sans déstabiliser le produit. Le code source de Windows étant l’un des secrets les mieux gardés de la planète, avec la recette du CocaCola[viii], Microsoft avait beau jeu d’invoquer ce qu’elle voulait à son propos. En la forçant à le remettre aux États qui contestent ses prétentions, le tribunal démontre que rien ne peut, ni ne doit, lui échapper. À quelque part, je trouve ça rassurant. Nous entrons peut-être dans une nouvelle phase du développement technologique. Mais je ne suis qu’un incorrigible rêveur...
À la prochaine!
[i] http://www.marimba.com/
[ii] European Technology Roundtable and Exhibition, tel que vu à l’émission Computer Chronicles sur PBS le 13 janvier 2002. L’émission peut être visionnée ici : http://www.computerchronicles.org/01-02/1917.html
[iii] http://www.illico.tv/fr/index.htm
[iv] ce n’est même pas une blague : http://industry.java.sun.com/javanews/stories/story2/0,1072,21771,00.html
[v] notamment aux articles 25 (banque de données) et 43 (localisation des personnes)
[vi] www.real.com
[vii] L’accès par câble ou haute-vitesse impliquant une connexion constante, ces logiciels permettent de couper l’ordinateur du réseau lorsque qu’il n’est pas utilisé afin d’éviter un éventuel piratage
[viii] Même si, s’inspirant du logiciel libre, un fabricant a maintenant rendu publique sa propre recette de Cola http://www.newscientist.com/hottopics/copyleft/copyleftart.jsp
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