Vous connaissez les trois « R » ? Réduire, récupérer, recycler… Lorsque j’étais au Cégep, je me souviens avoir présenté un travail sur le recyclage des ordures ménagères. J’y soulignais l’importance de mettre en place des structures de récupération, surtout du papier et du plastique. J’avais dix sept ans et, ma foi, j’étais un peu en avance sur mon époque... Mais aujourd’hui, tout le monde a son bac de recyclage.
Le Web est quant à lui bien de son temps, et recycle tout à une vitesse fulgurante. Le conflit en Irak a donc rapidement été intégré dans son univers. Début avril, Lycos [i] annonçait que les expressions « al-Jazeera » et « Iraq war » avaient été ses termes de recherche les plus utilisés. J’ai moi-même choisi le site de CNN [ii] comme page d’accueil et me suis abonné à des dépêches électroniques pour rester informé sur l’évolution de la situation. On a aussi pu admirer les animations 3D et les diaporamas offerts sur les sites des principaux réseaux d’information[iii].
Mais il y a plus… Alors mettez de côté vos offres d’achat et vous certificats de localisation. Je vous propose ce mois-ci une petite pause en cette période de folie immobilière, pour vous présenter les trois “ R ” du recyclage de la guerre d’Irak sur le Web.
Répliquer : le Web contre-attaque !
Le tollé qui a suivi la diffusion sur le réseau d’information al-Jazeera [iv] d’images de soldats de la coalition tués au combat a réussi à émouvoir la communauté des bidouilleurs (« hackers ») qui s’en prenait dès le lendemain au site de langue anglaise d’al-Jazeera au moyen d’attaques de déni de service. Cette bonne vieille technique, déjà utilisée par un certain mafiaboy, consiste à adresser à un site Web des dizaines des milliers de requêtes à la seconde jusqu’à ce que le serveur rende l’âme. Le site d’al-Jazeera devait baisser pavillon et disparaître pendant près d’une semaine à la suite de ces attaques.
Mais cette attaque, sur laquelle le FBI enquête, n’a pas été un incident isolé puisque des milliers de sites Web ont été attaqués pendant le cours de la guerre. Les attaques de déni de service n’ont pas été les plus populaires. Dans la plupart des cas, les bidouilleurs ont plutôt choisi de s’introduire sur les sites et d’en modifier le contenu, principalement pour ajouter aux pages des sites des messages pacifistes[v]. L’agence Reuters rapportait les propos du représentant d’une firme spécialisée dans le domaine, qui voit en ces attaques la version technologique de la cannette de peinture des graffiteurs. Il faudrait plutôt se questionner sur les moyens utilisés par ces pseudos pacifistes, et sur les mesures de sécurité des sites concernés. Enfin, bref.
Ridiculiser : Blagues ou propagande ?
Comme il fallait s’y attendre, la guerre aura permis aux internautes de renouveler leur inventaire de blagues, d’images et d’animations. Le dessin animé montrant George Bush et Colin Powell chanter leur grand succès « Time to bomb Saddam »[ix] avait déjà commencé à circuler avant la guerre. L’image montrant Saddam Hussein en train de préparer un shish taouk sous le titre « on a trouvé Saddam Hussein sur Saint-Laurent » n’était pas piquée des vers non plus [xi].
Mais le recyclage le plus inattendu à sortir de toute cette histoire est certes la célébrité instantanée du ministre irakien de l’information, Mohammed Saeed al-Sahaf. Rappelez-vous des conférences de presse quotidiennes de ce joyeux luron, qui venait nous dire avec un flegme presque britannique que l’invasion était un mensonge, que les soldats américains n’étaient pas à Bagdag, qu’ils allaient être trucidés, etc. Sa conférence de presse en pleine rue, sur un arrière plan de bombardements américains, où il déclarait que les GI’s « infidèles » préféraient se suicider sous les murailles de Bagdag plutôt que de se faire écraser par l’armée irakienne qui les encerclait restera sûrement dans les annales.
Si comme de nombreux dignitaires irakiens Saeed al-Sahaf s’est volatilisé à la chute de Bagdad, il est en passe de devenir une véritable vedette sur le Web. Des sites vantent son humour, chantent ses louanges et reprennent ses déclarations. Son nom figure au palmarès des termes de recherche les plus populaires sur Lycos[vi], on peut se procurer des tasses ou des tabliers à son effigie, et certaines pétitions circulent même pour l’inviter à devenir humoriste ou à participer à des « talk-shows ». Le site Web « We love Mohammed Saeed al-Sahaf » a été tellement couru qu’il a atteint l’impressionnant score de 4000 « hits » à la seconde, que son serveur a rendu l’âme et qu’il a du temporairement fermer ses portes pour permettre à ses auteurs de revoir leur mode d’hébergement[vii] ! L’avenir médiatique du ministre déchu, comme celui de la rescapée Jessica Lynch, semble donc assuré[viii]. Parions que les agents hollywoodiens le retrouveront avant l’armée américaine !
Réinvestir : la monnaie irakienne
Songez-vous à votre avenir financier ? Cherchez-vous des placements payants où investir vos avoirs ? Pourquoi pas tout investir dans la monnaie irakienne ? La valeur du dinar n’est pas vraiment liée à la vigueur économique du pays, c’est certain. L’Irak aura besoin du soutien du monde entier pour reprendre la route de la prospérité. C’est plutôt de la valeur numismatique du dinar qui est en cause. Surtout lorsque les billets sont à l’effigie du président déchu.
Dès que l’ultimatum américain fut servi, la demande des collectionneurs pour la monnaie irakienne s’est accrue de manière phénoménale. Tant et si bien qu’un billet de 100 dinars se vend maintenant sur E-Bay[x] à près de quatre-vingt dollars américains, bien au-delà de la valeur d’une action de Nortel ou d’un dollar canadien... (surtout que le « chrétien » a perdu quelques plumes à Washington !) Quant à la valeur réelle du dinar, elle ne s’élève qu’à quelques sous[xii]. Avoir su, j’aurais pu prendre ma retraite plus jeune. Alors, retournons travailler puisqu’il le faut…
À la prochaine !
[i] L’un des premiers moteurs de recherche sur Internet, http://www.lycos.com
[ii] http://www.cnn.com
[iii] notamment les magnifiques montages de MSNBC sur http://www.msnbc.com/news/846463.asp?b=hi
[iv] http://www.aljazeera.net/
[v] War Hack Attacks Tit For Tat, dépêche de Reuters reproduite dans Wired News le 28 mars 2003, http://www.wired.com/news/print/0,1294,58275,00.html
[vi] http://www.madblast.com/view.cfm?type=FunFlash&display=1610
[vii] pour celle-là, je n’ai pas d’adresse… ceux que cela intéresse peuvent cependant m’écrire bertrand@cybernotes.info pour la recevoir.
[viii] http://50.lycos.com/
[ix] “We love Mohammed Saeed al-Sahaf”, http://64.39.15.171/
[x] “Iraqi information minister gets too popular”, http://www.cnn.com/2003/TECH /internet/04/12/offbeat.minister.site.ap/ ; Wacky Iraqi Minister a Web Star , Wired News, http://www.wired.com/news/culture/0,1284,58452,00.html
[xi] http://www.ebay.com
[xii] \"Iraqi Currency Hot on EBay\", Wired news, http://www.wired.com/news/business/0,1367,58402,00.html
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