Archive des chroniques "Cybernotes de Bertrand Salvas", telles que publiées dans le magazine "Entracte"
de la Chambre des notaires du Québec et autres contributions en droit des technologies de l'information.

Juin 2004 >>> Vie et mort sur le Web

Un très court message publié sur Slashdot[i] a attiré mon attention le mois dernier. Intitulé «What Happens To Your Data When You Die? »[ii], il m’a fait réaliser que l’euphorie ayant entouré le décollage d’Internet ces dernières années aura quand même réussi à nous faire oublier un peu notre statut de pauvre mortel, car si certaines données importantes confiées au Web ne sont pas aussi permanentes qu’on voudrait bien le croire, d’autres survivront malgré nous ! Comme dirait l’autre, « Il n’y en aura pas de facile ! »

Disparition de données

L’arrivée du Web a aussi suscité de grandes attentes chez tous les utilisateurs et créateurs d’information. Enfin un moyen de communication allait permettre de loger de façon permanente des textes et données de recherche et d’y référer au besoin par la simple insertion d’une adresse (URL) ou d’un hyperlien. C’est terminé les longues heures à rechercher un article de référence d’une bibliothèque à l’autre et la multiplication des coûts de reproduction. Le monde allait finalement disposer d’une bibliothèque planétaire, gratuite et permanente.

Or, la relocalisation des sites et des pages Web découlant du perpétuel renouvellement du parc informatique et des adresses Internet, jumelée à l’insouciance de certains gestionnaires de réseaux face à la conservation stable des documents, fait en sorte que plusieurs deviennent rapidement introuvables : ils disparaissent, leur adresse change ou encore on leur apporte des modifications après leur publication. Référer à un document publié sur le Web devient du coup très hasardeux à cause de la volatilité des contenus et des références.

Une étude menée en 2003 démontrait en effet que près de 15 % des références à des documents scientifiques logés sur le Web sont devenues désuètes à peine deux ans après la publication d’un article qui les cite ![iii] Tout auteur d’un texte sérieux souhaitant utiliser le Web pour référer à des textes risque donc de voir ses références s’émietter avec le temps, à moins que les responsables des sites en question le traitent avec respect. Pour ce faire, il leur faudra utiliser des adresses URL stables, prendre les mesures nécessaires pour préserver la validité des anciennes adresses advenant le remaniement du site en redirigeant les visiteurs vers les nouvelles adresses, en indiquant aux visiteurs les dates de mise à jour des documents ou encore en permettant si possible l’accès à des anciennes versions.

Ces conseils sont valables pour les sites importants, mais comment s’assurer que les données conservées sur un site opéré par un individu ne disparaîtront pas advenant un décès ?

Détournement de site

Si les héritiers ne sont pas diligents dans le renouvellement du nom de domaine détenu par le défunt, ou s’ils ignorent les enjeux, il y a de fortes chances que l’adresse pointe un jour vers un site insoupçonné. De nombreux opérateurs de sites commerciaux ont pris en effet l’habitude de racheter les adresses Web abandonnées par leurs propriétaires à la date de renouvellement afin de récupérer le « trafic » qu’elles attiraient. Par exemple, l’ancien site de diffusion des lois et règlements du Nunavut (www.lex-nu.ca) dirige maintenant vers la page d’un répertoire de recherche commercial américain, alors que celle qui vous amenait auparavant les lois et règlements des territoires du Nord-ouest (www.lex-nt.ca) vous mènera vers une pharmacie en ligne. Dans ces deux cas, au moins, les nouveaux sites attachés aux adresses restent présentables. Mais ce n’est pas toujours le cas, car de nombreux sites pornographiques utilisent cette technique pour s’attirer de la clientèle[iv]. Il y a de quoi se retourner dans sa tombe !

Paradoxalement, si le contenu du site sera du coup gommé du Web, son adresse risque fort de devenir immortelle par le biais des systèmes de renouvellement automatique de ce genre de site. L’opération étant tout à fait légale, rien n’empêchant quelqu’un d’enregistrer un nom redevenu disponible, les recours sont assez minces. Quiconque veut éviter ce genre de mésaventure lors de la fermeture d’un site Web n’aura guère d’autre choix que de conserver le nom de domaine et de le diriger vers un cul de sac pour éviter qu’il soit récupéré.

L’ampleur du phénomène Internet au Québec devrait probablement pousser les notaires à questionner leurs clients sur leurs biens virtuels lors de la préparation d’un testament ou encore lors du règlement d’une succession. Le client ou le défunt détient-il un ou plusieurs sites Web ou noms de domaine ? Quel sort doit-on leur réserver ? À qui les droits sur le site sont-ils légués et à quelles conditions ? Un héritier accepte-t-il de prendre en charge le site et de le maintenir en ligne ? Un montant d’argent sera-t-il alloué pour défrayer les droits de renouvellement du nom de domaine pendant une période déterminée ? Mieux vaut prévenir que guérir…

Astuce : prenez garde aux logiciels espions

Peut-être vous ai-je déjà parlé de ce sujet ? Vous pourrez toujours aller voir dans votre salle d’attente, si vous êtes curieux ! Mais qu’importe, car il est important et qu’il se traite suffisamment rapidement pour me permettre de clore cette chronique à peu près dans les limites qui me sont allouées !

Blague à part, les logiciels espions ou spywares sont devenus une véritable peste sur le Web. Malgré le fait que je me considère comme un internaute très prudent, une vérification ponctuelle de mon système a réussi à en relever une dizaine. Que font ces intrus sur nos ordinateurs et comment les chasser ?

Un fichier espion se logera sur votre système habituellement lors de l’installation d’un logiciel ou d’une visite sur un site. Par exemple, l’installation du logiciel d’échange de fichiers Kazaa[v] peut entraîner celle de plus de 125 fichiers espions ! Les fabricants de ces logiciels espions paient en effet les créateurs de logiciels ou les opérateurs de sites pour participer à la diffusion de leurs produits, et ils ont les moyens de le faire, le but de leur système étant de recueillir une foule d’informations sur les internautes et leurs agissements sur le Web et de les revendre à des firmes de profilage ou de marketing. L’opération est très lucrative.

Le spyware détectera les sites que vous visitez et la fréquence de vos visites, vos agissements sur le Web incluant vos achats, etc. D’autres, plus agressifs, modifieront certains réglages de votre ordinateur pour vous diriger contre votre gré vers certains sites marchands. Pas vraiment rassurant tout ça…

Heureusement, plusieurs produits vous permettent de détecter et détruire ces intrus[vi]. Je vous conseille donc d’en installer un et de vérifier périodiquement votre système pour vous assurer que personne ne fouine dans vos affaires.

À la prochaine !



[i] http://slashdot.org

[ii]http://slashdot.org/article.pl?sid=04/05/03/2037245

[iii]On the Web, Research Work Proves Ephemeral, Rick Weiss, Washington Post Staff Writer, 24 novembre 2003; Page A08

[iv] Un collègue a d’ailleurs vécu récemment une pareille situation désastreuse.

[v] Je ne vous donne pas l’adresse, ils ne le méritent pas…

[vi] Par exemple Ad-aware de Lavasoft qui mérite définitivement une référence ! http://www.lavasoftusa.com/

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