J’entame aujourd’hui un nouveau défi, celui de vous entretenir de façon régulière d’un sujet qui me passionne, Internet. Après une quinzaine d’années de pratique notariale, j’ai en effet décidé il y a quelques temps de m’inscrire à la maîtrise en droit des technologies de l’information. Je baigne quotidiennement depuis dans un monde passionnant, dont j’espère réussir à vous présenter dans ces chroniques les aspects les plus intéressants pour votre pratique.
Je suis branché à Internet depuis un bon moment. Je n’ai pas fait partie des premiers initiés, mais encore bien peu de gens y naviguaient au moment où j’ai été initié à ce qu’il est convenu d’appeler le « cyberespace ». J’ai bien sûr tout de suite apprécié la convivialité du médium, tant dans ses aspects éducatifs que récréatifs. Mais j’ai aussi rapidement entrevu les immenses possibilités qu’il offrait à ses utilisateurs. Tout d’abord en rendant disponibles des masses d’informations, il révolutionne les habitudes dans de nombreux domaines de l’activité humaine, y compris le droit. Les banques de données sur les compagnies provinciales[1] ou fédérales[2], le Code civil du Québec de l’Université de Montréal[3], le site des Lois du Canada[4], ou des décisions de la Cour Suprême[5] ne sont que quelques exemples d’améliorations à la pratique quotidienne des juristes rendues possibles par Internet. Le courrier électronique, qui a pris son véritable envol grâce au Web, modifie aussi nos habitudes en nous donnant un canal de communication extrêmement efficace et rapide, pouvant même bénéficier des fonctions de sécurité avancées découlant des technologies de signature électronique. Les échanges de projets, la transmission de commentaires et les négociations peuvent s’y faire de façon efficace et sécuritaire, tout en laissant des traces qui pourront être utiles en cas de litige.
Mais le Web a beaucoup évolué. Plus il se banalise et entre dans la vie quotidienne de millions d’individus, plus il s’avère être un outil commercial innovateur et redoutable. Ses capacités pour la publicité et la conclusion d’affaires sont innombrables, et se renouvellent constamment. Tous les domaines d’activités voient leurs habitudes ébranlées et doivent se redéfinir. Par exemple, Barnes&Noble[6], le plus gros libraire des Etats-Unis a failli tomber aux mains du syndic face à la concurrence d’Amazon.com, compagnie fondé par Jeff Bezos, dans son garage, il y a à peine cinq ans. L’entreprise centenaire a du revoir son fonctionnement de fond en comble pour espérer survivre. L’exemple fait réfléchir. Personne ne peut ignorer le Web. Personne ne peut volontairement refuser d’y faire affaires. À moins de souhaiter sombrer dans l’oubli.
Le notariat québécois est à mon avis particulièrement interpellé par ces événements. Tout d’abord parce-qu’il est déjà, il ne faut pas se le cacher, dans une situation précaire que cette révolution technologique ne fait qu’exacerber, mais plus positivement aussi parce qu’il pourrait bien se trouver au cœur de la solution d’un des problèmes les plus criants du réseau : l’identification des parties aux transactions électroniques. Nous ne devons donc pas nécessairement voir Internet comme une menace, mais plutôt comme le véhicule d’occasions en or à saisir. Il faudra simplement faire preuve d’ouverture et de capacité d’adaptation.
Lorsque j’ai débuté mes études de maîtrise, je m’attendais un peu à revivre ce que j’avais vécu au baccalauréat : des matières bien délimitées, l’apprentissage de règles déterminées et de modes d’exécution éprouvés. Je m’attendais à recevoir des cours magistraux m’expliquant les différentes règles balisant le cyberespace. Mais je me trompais. J’ai plutôt découvert un univers sans frontières et en mouvance perpétuelle. Le droit qui le gouverne ne peut qu’être le reflet de cette nature volatile. Il est par conséquent très vivant, évoluant presque d’une journée à l’autre sous l’influence de tribunaux situés aux quatre coins de la terre. En matière de globalisation on ne pourrait trouver meilleur exemple, et il est extrêmement intéressant de découvrir un droit en devenir, de dépister ses origines et de deviner ses tendances au jour le jour.
J’ai donc accepté avec grand enthousiasme la proposition qui m’a été faite de vous entretenir du merveilleux monde d’Internet au moyen d’une chronique régulière dans l’Entracte. À l’image de leur objet d’étude, mes chroniques vous proposeront des sujets variés allant de notions du droit du cyberespace à l’actualité générale d’Internet, mais toujours dans une optique notariale. Je vous parlerai d’opportunités d’affaires que les notaires peuvent y trouver, de mises en garde face à certaines situations ou encore de références à sites qui pourront vous être utiles. Je serai également tout à fait disponible à répondre à vos questions par courrier électronique, individuellement ou dans ces pages.
J’espère que vous trouverez mes humbles écrits intéressants et, surtout, utiles!
Les malheurs d’Industrie Canada
Saluons tout d’abord les efforts d’Industrie Canada dans le domaine de l’accès électronique au contenu de ses banques de données. Industrie Canada a en effet été un des premiers services corporatifs gouvernementaux à mettre ses banques sur le Web, et y a toujours permis l’accès gratuit. Mais il y a parfois des risques à être un pionnier. Ce sont généralement eux qui trébuchent avant les autres.
Certaines précautions doivent donc entourer l’usage de certains certificats et documents officiels sur les sociétés fédérales émis depuis quelques temps. Industrie Canada, souhaite tendre vers l’échange électronique de documents à toutes les étapes de traitement de ses dossiers corporatifs. L’organisme a donc décidé l’an dernier de normaliser la présentation de tous ses certificats en les imprimant en noir seulement, afin qu’ils puissent avoir une apparence uniforme lors de l’impression au laser chez ses clients. Nous disions donc au revoir au petit drapeau canadien rouge dans le coin supérieur gauche de tous les certificats fédéraux (constitution, modification, conformité, etc...), qui avait l’avantage de distinguer visuellement le document original. Le praticien doit donc redoubler de prudence pour s’assurer qu’il n’a pas entre les mains une copie, qui aurait pu être préalablement modifiée. (Vous pourriez avoir à vous munir d’une bonne loupe, surtout si le client a signé les originaux au stylo noir...) Cette situation peut aussi résulter en la perte des documents originaux, qui coûteront cher à remplacer.
Cette situation problématique s’est compliquée un peu plus récemment, quand Industrie Canada a constaté que certains documents nouvellement transmis sous forme électronique, en format PDF[7] pour être plus précis, ont pu être modifiés à l’écran par certaines personnes bien intentionnées, avant d’être imprimés. Situation qui n’était bien entendu pas au programme. Il devient alors quasi impossible de les identifier comme étant des originaux valables.
Vous connaissez comme moi la tendance jurisprudentielle à tenir le notaire responsable de faits qui échappent à son contrôle. Je ne saurais donc trop vous conseiller la prudence, et vous suggérer de consulter la banque de données d’Industrie Canada[8] pour vous assurer de la conformité du contenu de tout document corporatif fédéral qui vous apparaîtrait douteux, au moins en attendant qu’Industrie Canada ne rectifie le tir.
Pour rester dans la même veine, je profite de l’occasion pour féliciter l’Inspecteur général des institutions financières qui a décidé de rendre gratuit l’accès à ses bases de données sur Internet. Beaucoup se souviendront en effet qu’avant le 1er avril 2000, la consultation des fichiers Cidreq par Internet impliquait le paiement d’une obole au fonds consolidé de la province qui, bien que minime, contrastait avec l’accès gratuit offert au fichier fédéral équivalent. Cette différence est maintenant chose du passé. Profitez-en donc pour vérifier en direct le statut des compagnies dont les représentants comparaissent devant vous. Vous dormirez mieux...
Concubinage et Internet
Je parlais tout à l’heure d’occasions à saisir, et de bouleversement des façons de faire traditionnelles. Que dire des services juridiques sur Internet? Je me permets de vous mettre l’eau à la bouche sur ce sujet, qui occupera certainement beaucoup d’espaces dans nos prochaines chroniques, en vous invitant à visiter le site suivant : http://www.avocat.qc.ca/vie.htm. Quand vous aurez repris vos esprits, vous comprendrez qu’un avocat québecois y invite les internautes à préparer en ligne leur contrat de vie commune pour un montant de 35$ plus taxes.
Que faut-il penser de telles initiatives? Concurrence déloyale? Sabotage? Conduite anti-professionnelle? Menace à la profession? Plusieurs n’y verront rien de plus qu’une nouvelle incarnation du testament sur formule imprimée que l’on trouve depuis belle lurette dans les imprimeries. D’autres déchireront leurs chemises, ou mettront leurs études à vendre. Je vous invite à visiter le site en question et à réfléchir à la situation. Et n’hésitez pas à m’envoyer vos commentaires. (bertrand@cybernotes.info)
Lors de notre prochain rendez-vous, il sera question de commerce électronique, évidemment dans une optique notariale. Et en avant-goût pour les numéros à venir, les listes de discussion, l’usage et la sécurité des courriels, la signature électronique, la documentation juridique sur le Web, le b2b, et beaucoup d’autres sujets. Sans oublier un peu d’histoire du Web. Je ferais mieux de m’y mettre tout de suite...
À la prochaine, et bonnes vacances aux chanceux qui peuvent se le permettre!
[1] http://www.igif.gouv.qc.ca/
[2] http://strategis.ic.gc.ca/sc_mrksv/corpdir/frndoc/corpns.html
[3] http://www.lexum.umontreal.ca/ccq/fr/index.html
[4] http://canada.justice.gc.ca/Loireg/index_fr.html
[5] http://www.lexum.umontreal.ca/csc-scc/
[6] http://www.barnesandnoble.com/
[7] http://www.adobe.com/products/acrobat/adobepdf.html
[8] voir note 2
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